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Le retour de Tocqueville
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25 mars 2006

LES PETITES MAINS DE LA PAROISSE SAINT-BERNARD (3/6)

La route qui mène à la paroisse Saint-Bernard est jonchée d'arbres déracinés et de détritus.

Sept mois après Katrina, les chauffeurs de taxi de la Nouvelle Orléans refusent toujours de se rendre dans cette partie de l'Est de la ville, difficile d'accès et dangereuse pour s'être partiellement trouvée dans l'oeil enragé de l'ouragan.

Le 29 août dernier, les digues du Lac Borgne voisin, hautes de 5 à 7 mètres, n'ont pas résisté aux assauts répétés des flots.

En quinze minutes, selon des témoins, des maisons entières de la paroisse Saint-Bernard ont été submergées par 7 mètres d'eaux, laissant probablement deux habitations complètement intactes.

Autrefois peuplée de 68 000 personnes (chiffres de 2000), la paroisse compte désormais moins de 7 000 résidants permanents selon un recensement du département de la Santé paru en janvier 2006, vivant pour l'essentiel dans des caravanes fournies par le gouvernement, 20 000 autres revenant ponctuellement pour réparer, aider ou même travailler dans les services et commerces locaux qui rouvrent depuis décembre dernier.

Au lendemain de la catastrophe, de nombreux habitants de la paroisse se sont indignés du manque de reconnaissance de leur situation par les autorités locales et fédérales.

Mais depuis trois semaines, ils ne sont plus seuls dans leur lutte pour un retour à la vie.

En effet, plusieurs milliers d'étudiants, venus des quatre coins des États-Unis, profitent de leurs vacances de printemps, ou Spring Break, pour aider à reconstruire la ville.

Dans la paroisse seule, les petites mains de plusieurs centaines de volontaires s'agitent pour vider les maisons endommagées, en retirer les murs moisis, trier les effets personnels de leurs habitants, avant de les entasser pour la collecte.

Scott Thomson, 23 ans, un masque blanc sur le nez et la bouche pour se protéger des agressions de la poussière, s'affaire avec onze de ses amis dans une maison envahie par deux mètres d'eau. 

Cela fait deux jours qu'ils travaillent dessus dans l'espoir de la rendre un jour à ses propriétaires, un couple d'indiens, raclant, arrachant, balayant, triant, sauvant les parcelles de vie qui peuvent l'être et jetant le reste.

"Je ressens une sensation d'accomplissement," dit Scott, déjà volontaire en Thailande au lendemain du raz-de-marée en Asie méridionale en décembre 2004. "Nous faisons ce que les propriétaires ne pourraient pas faire eux-mêmes à cause de la charge émotionnelle attachée à certains objets," dit-il. "C'est plus facile pour nous."

Dans une rue parallèle, une autre équipe s'emploie à vider une autre habitation.

La maison des Himkel s'est trouvée en première ligne dans l'inondation de la paroisse. C'est, en effet, par l'immense champ de blé voisin que les eaux meurtrières du Lac Borgne ont déferlé sur le voisinage, fracassant la véranda et une partie de la maison de cette famille habitant ici depuis 40 ans.

"Je n'aurais jamais imaginé que ce serait aussi endommagé" reconnaît Lauren Himkel en regardant les vestiges de son enfance. "Je leur suis très reconnaissante pour tout ce qu'ils [les volontaires] font" dit-elle.

"Nous nous sentons très privilégiés de partager la vie de ces gens," dit Kyle Driggers, en charge de l'équipe travaillant sur cette maison. "Cette maison est toujours la leur. Ils ont des rêves qui lui sont attachés." 

Kyle, un chrétien - comme la plupart des volontaires dans cette partie de la ville - se sent investi d'une mission. "C'est une manière de montrer ce que Jésus aurait fait s'il était avec nous," dit-il.

"Nous avons beaucoup parlé avec la famille, prié ensemble. Nous avons échangé nos coordonnées. Ils sont devenus nos amis," dit-il. "Je veux revenir un jour!"

Selon ses propres aveux, la famille Himkel, comme beaucoup de familles ici, ne compte pas se réinstaller dans ce quartier déjà battu  par les vents dévastateurs de l'ouragan Betsy en 1965.

Kyle, lui, voit plus loin. "Notre travail aide la famille et puis cela aidera les générations futures," pense-t-il.

L'objectif de ces groupes est de vider quelques 5 000 maisons en six semaines sur l'ensemble des zones sinistrées, en coopération avec les services de ramassage des déchets de la ville.

Selon leurs propres mots, ils travaillent en "toute sécurité," des protections leur ayant été fournies et les maisons ayant été vérifiées au préalable par les autorités locales.

D'autres groupes viendront dans les prochaines semaines pour finir le travail.

La reconstruction de la paroisse Saint-Bernard est en route.

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