THANKSGIVING (3/3) - Le repas

15h. Les premiers invités arrivent. Une vingtaine de personnes est attendue pour ce repas de Thanksgiving. Comme tous les ans, les voisins y prendront part, de même que de nombreux amis de la famille Tarpley.

Maxine

C'est ainsi que j'ai fait la connaissance de Maxine, 81 ans dont le visage ne pourtant porte aucune ride. "On me dit souvent que je ne fais pas mes 81 ans". Elle pense que cela vient d'une pratique régulière de la marche-à-pied. "Je n'ai jamais eu de voiture, donc je marchais pour aller à mon travail, même en hiver". Elle s'amuse des problèmes de parking des automobilistes et de leur protestation contre le prix en hausse du carburant.

Maxine est née et a grandi a Bath. Elle a fait la connaissance de Janet lors d'un rassemblement pour des enfants défavorises. Janet et Maxine partagent un même amour pour les enfants. Après des années "stréssantes" et "peu épanouissantes" à travailler comme secrétaire sur le chantier naval de Bath, Maxine décide de partir en retraite anticipée pour s'occuper d'enfants handicappés. Une maladie la pousse à quitter cette activité apres plusieurs années de service.

Maxine se ressource ensuite dans la musique. Elle entre dans la chorale de la ville car elle "adore chanter". La musique l'a d'ailleurs suivie tout au long de sa vie. Avec sept années de guitare à son actif, une formation de piano, Maxine a grandi dans une partition de musique. "Ca permet d'oublier les ennuis du quotiden" me dit cette petite afro-américaine derrière ses grandes lunettes noires.

Cette admiratrice de Jazz pense malheureusement ne pas avoir transmis cet amour de la musique à ses quatre enfants, une fille et trois fils. Maxine est en fait la mère de quatre mais l'aîné a laisse sa vie dans les forêts du Vietnam. Ce qui amène la mère meurtrie à poser un regard assez critique sur la présence de troupes en Irak.

Elle est très fière de ses enfants et petits-enfants. Elle m'assure que tous "réussissent très bien". Elle regrette simplement que sa famille, dispersée aux quatre coins des Etats-Unis, ne se retrouve pas plus souvent.

A table!

"Je n'ai jamais eu une table aussi belle" commente, émue, l'une des amies de Kathrin. Aux alentours de 16 heures, nous nous asseyons.

Le père de Kathrin nous demande de prendre la main de notre voisin. Il remercie Dieu de nous avoir donné cette nourriture et de nous avoir permis de nous rassembler, famille et amis, pour cet événement. Le silence règne autour de la table pendant que la salle se remplit de sa voix lente et grave, rendant le moment particulièrement émouvant et solennel.

Les plats arrivent un à un, et circulent d'un invité a l'autre. Chacun fait très attention a prendre une portion socialement acceptable de chaque assiette. Dinde, asperges, mashed patatoes, cranberry sauce, pain, beurre... pas étonnant que beaucoup se sentent mal le soir de Thanksgiving. "Je n'en peux plus" lâche Daniele, une des soeurs de Kathrin, affalée sur le sofa du salon, une main sur le ventre, l'autre pendue dans le vide. Caroline, elle, a "l'impression d'être enceinte", non pas qu'elle ait deja vécu cette experience.

Pendant que les plats circulent, la conversation se fige sur la situation en France. L'une des invitées, aux cheveux grisonnants et aux yeux bleus absolument superbes, lâche: "ce sont les Musulmans qui se révoltent". Interloqué, je ne reagis pas tout de suite, avant de rectifier.

J'ai pris conscience à ce moment-là de la nullité et de la bassesse de la couverture américaine des émeutes en France. Je n'en voulais pas à cette dame, sans doute de bonne volonté, qui n'avait fait que lire la presse et regarder la Télévision. J'en voulais au contraire a ses créateurs de haine, davantage assoiffés de sensationalisme que du noble dessein de rendre l'Humanite meilleure en lui apportant une information de qualité. Ce devrait pourtant être a la base du journalisme. 

Une goutte de haine dans un océan de bonheur et de délicatesse.

C'etait mon premier Thanksgiving.