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Le retour de Tocqueville
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26 février 2006

STAR SPANGLED BANNER FAIT SON STRIP-TEASE (2/3)

En ce vendredi après-midi, la Washington Monument, une obélisque située au carrefour de la Maison Blanche, le Capitole et des Lincoln et Jefferson memorials, se dresse fiérement dans un ciel bleu et ensoleillé.

La construction de cette obélisque de marbe, de grès et de granit, haute de 169 mètres, est achevée en 1884. Son père, l'architecte américain Robert Mills, l'a conçu comme un mémorial, encore un, à l'honneur de Georges Washington, encore lui. Pendant cinq ans, le Washington Monument est la tour la plus haute du monde, puis la Tour Eiffel la dépasse. Depuis son ouverture au public en 1888, elle fait néanmoins toujours le bonheur des touristes qui peuvent, de son sommet, profiter d'une washington_towervue imprenable sur la capitale.

Mais ce n'est pas tout.

La  Washington Tower est entourée d'un cercle de Star Spangled Banner claquant majestueusement au vent.

ci-contre: The Washington Monument, au centre d'un cercle de bannières étoilées

La semaine passée, les rues de Washington D.C étaient tapissées de drapeaux, particulièrement nombreux à l'approche de Presidents' Day, jour de l'anniversaire de Georges Washington, premier Président des Etats-Unis, et d'Abraham Lincoln, père de l'abolition de l'esclavage.

Drapant les bâtiments officiels, les halls d'entrée, les maisons, la Star Spangled Banner fait partie du quotidien. Hissé, le drapeau prend vie. Il se contorsionne au vent, se déploye et se retracte glorieusement en laissant échapper un bruit sec et puissant.

Ma rencontre avec l'étendard étoilé est un moment de communion, silencieux, percé de temps à autre par ces bruits de claquements et par le sifflement du vent. Le drapeau me fait effet. Ces couleurs harmonieusement choisies et disposées, ces bandes et ces étoiles joliement brodées me parlent. Comme tout symbole, il cristallise toute mon admiration pour ce pays, ou plutôt pour l'imaginaire qu'il dégage. La puissance, l'orgueil, la grandeur, la force, toutes rassemblées dans ce rectangle de toile. Je ne vois pas de menace en lui, ne ressens pas de haine, simplement de l'admiration, une profonde et sincère admiration. J'en perds mon sens critique. Oubliées la guerre en Irak, les tortures de Guantanamo, les inégalités sociales... L'imaginaire prend le pas sur la réalité. Un symbole efficace.

LES AMERICAINS, PATRIOTIQUES ? TENTATIVE DE REPONSE. On l'oublie souvent: les États-Unis ont été constamment en guerre depuis leur création il y a plus de deux cent ans.

Mais beaucoup d'Américains pensent, à tort ou à raison, que cette Histoire mouvementée est guidée par un noble dessein: apporter la Liberté aux peuples opprimés. De ce passé taché de sang et teinté de poudre, et de cette utopie, les Américains retirent un attachement au drapeau. Qu'il soit profond ou simplement de façade? Impossible de le dire à ce stade de mon séjour.

Ces derniers sont-ils patriotiques pour autant ? Lou-Ann, rencontrée dans la ville voisine d'Alexandria, m'explique que les drapeaux ont fleuri depuis le 11 septembre, et surtout le début des hostilités en Irak.

"[Les drapeaux] sont une réaction contre l'administration actuelle [celle de G.W.Bush]," dit-elle. "C'est juste un moyen de montrer notre soutien à nos boys qui se font tuer en Irak."

Je pense néanmoins que cette réaction de "patriotisme ponctuel" est normale. Elle peut être observée chez  n'importe quelle population ayant un semblant d'attachement à sa terre. Ainsi l'observe-t-on en France, lors d'une phase finale de coupe d'Europe ou du Monde, lorsque l'ensemble de l'éventail social, du plus défavorisé au plus riche, reprend la Marseillaise à l'unisson et fait corps autour du drapeau tricolore. 

Ce "patriotisme ponctuel" serait en réalité l'arbre qui cacherait la forêt. L'Histoire et son cortège de guerres nous enseignent que les "pics de patriotisme" se produisent lorsqu'une nation est confrontée à un ennemi, que ce soit une armée étrangère hier ou une équipe de football aujourd'hui. Dans le cas des Etats-Unis, cette poussée de drapeaux correspond certes à une réaction à la guerre en Irak, mais est néanmois révélatrice d'un patriotisme dormant, lequel ne se réveille que dans l'adversité.  Comme partout ailleurs.

drapeau

Pour Christoph Wolff, un étudiant allemand en échange à Boston University, Star Spangled Banner rime avec "impérialisme" et "force".

Lorsqu'on lui demande si le drapeau a une force unificatrice, Christoph hésite et dit: "Les États-Unis ont accompli beaucoup de choses dans le domaine politique et économique, mais oublient comment ils sont arrivés là."

"[Le drapeau est] un outil pour réunir les Américains. Pourtant beaucoup ne croient plus en la politique [...] Il donne l'impression de l'extérieur d'un pays uni mais en réalité, il ne fait pas l'unité à l'intérieur," pense-t-il.

UN OBJET SACRE. Encensée par les plus patriotes et brûlée par les plus anti-américains, Star Spangled Banner reste un objet sacré.

Le désign actuel du drapeau américain - un rectangle bleu constéllé de 51 étoiles au nombre des États fédérés, accompagné de 13 bandes rouges et blanches représentant les colonies fondatrices  - a été adopté le 14 juin 1877 par le Second Congrès continental.

Mais ce n'est que cinq ans plus tard qu'il acquiert une dimension réellement symbolique. L'on décide alors que le bleu serait la couleur de la justice, le blanc de la sagesse et le rouge, celle de la vigueur.

Son apparence aura changé 26 fois depuis cette date, une étoile supplémentaire scintillant à chaque fois qu'un État rejoint l'Union.

A noter qu'un désigner a même déjà imaginé un drapeau à 56 étoiles dans la perspective de futures adhésions!

En tant que symbole de l'Hyperpuissance, le drapeau a droit aux honneurs. Le "Code relatif au Drapeau des Etats-Unis" stipule, par exemple, que la bannière ne doit ni être hissée à l'envers, ni être imprimée sur des objets destinés à être jetés après usage, qu'elle doit être brûlée lors d'une cérémonie lorsque trop usée ou encore ne doit pas toucher le sol.

Le drapeau doit aussi être plié selon la manière prévue par la loi.

Son usage à l'extérieur comme à l'intérieur est régi par des règles très précises.

Ce culte apparent du drapeau se perdra-t-il? Force est de constater qu'à Washington DC, son usage est banalisé. Dans la capitale sans doute plus qu'ailleurs, l'argent s'est emparé du symbole. On ne compte plus les immigrés asiatiques vendant chaussettes, casquettes, tee-shirts ou même des porte-monnaie aux couleurs de la bannière étoilée, aux abords même des bâtiments officiels. Alors que c'est interdit par la loi...


Liens a consulter: L'histoire du Drapeau des États-Unis (PDF en Anglais) cgi-bin/getdoc.cgi?dbname=105_cong_documents&docid=f:sd013.105.pdf">http://frwebgate.access.gpo.gov/cgi-bin/getdoc.cgi?dbname=105_cong_documents&docid=f:sd013.105.pdf

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